Si Venise était à moi

Je ne suis pas allée à Venise parce que j’avais un désir profond d’y aller. Venise n’a jamais fait partie de mes destinations incontournables. L’Italie non plus tant qu’à ça... mais après trois semaines à arpenter ce beau pays dans tous les sens, je ne trouvais rien de mieux à faire pour la fin de nos vacances que d’aller faire un tour à Venise… et ça faisait plaisir à mon chum. Je suis donc allée à Venise parce qu’elle était là. Et que moi, j’étais tout près.

Ouf! Quelle atmosphère! Une ville unique, pleine d’histoire. Une ville sensuelle. Un trésor … mais un trésor pas si bien caché que ça. Chaque année plusieurs millions de visiteurs prennent d’assaut la ville. Marcher à la queue-leu-leu dans les petites rues de Venise derrière des touristes prenant des selfies, mettons que ça enlève pas mal de charme à la ville. Heureusement, Venise a du charme à ne plus savoir quoi en faire! Venise est belle…Élégante et charismatique. On cherche à avoir un tout petit moment avec elle. Comme une belle femme dans une soirée mondaine, entourée d’hommes cherchant à avoir un tout petit moment de son attention.

Étant incapable de rivaliser avec des millions de touristes, je me suis donc inventé un monde où j’étais seule avec elle. Une Venise sans touristes. Et tant qu’à y être, sans gondoles parce que les gondoles, c’est pour les touristes. Une Venise juste pour moi. Dans mon monde, j’entendais l’écho de mes pas sur les pavés des rues étroites. J’entendais le doux clapotis de l’eau circulant dans les canaux.

Mais je voulais avoir un vrai moment d’intimité avec elle. Un moment que l’on partagerait juste elle et moi… à l’abris des vingt millions de touristes. Je ne voulais pas juste une fantaisie tirée de mon imagination. Je la voulais vraiment et juste pour moi... Je ne savais pas quoi faire pour me l’approprier.

Un soir, juste après un orage d’été, j’ai trouvé. J’ai ouvert les volets de ma fenêtre qui donnaient sur la petite place devant notre appartement du premier étage et je me suis livrée à un geste intime en la contemplant: je me suis brossé les dents. Je suis restée là, à vivre un moment. Notre moment. Moi la bouche ouverte, encore sous l'émotion des moments merveilleux passés à la découvrir. Elle, dénudée de tout passants, ruisselante et à l’odeur saline.

Belle Venise. J’espère que tu te souviendras de moi. Chose certaine, moi je me souviendrai de toi.