"À boutte" à Cinque Terre
- yul2go
- Mar 25, 2018
- 6 min read
Updated: Mar 1, 2020
Qui n’a pas entendu parler de Cinque Terre? Ces fameux petits villages de pêcheurs situés à flanc de collines entourés de criques aux eaux turquoise et surnommés les perles de la mer de Ligurie. Ils sont classés au patrimoine de l’UNESCO et la circulation automobile y est interdite voire impossible. Vraiment de quoi faire rêver les touristes. La seule façon de se déplacer entre les villages est donc d’emprunter un des nombreux sentiers qui les relient ou de sauter dans le train, puisque chaque village est équipé d’une gare qui se situe plus ou moins loin du centre du village.
Étant dans la plus grande forme de nos vies et ne reculant devant rien, notre objectif de la journée était de partir de Monte Rosso, c'est-à-dire le plus éloigné des cinq villages que nous appellerons village numéro 5 et marcher jusqu’à Riomagiorre, le village le plus près de où l’on dormait que nous appellerons, village numéro 1.
Arrivés à la gare à 7h pour sauter dans le premier train, on apprend-tu-pas que plusieurs des sentiers sont fermés depuis quelques années à cause de glissements de terrains. Notre objectif de marcher entre chaque village était déjà à l’eau dès 7h. On pouvait tout de même marcher du village numéro 5 jusqu’au village numéro 3. C'est donc devenu notre nouvel objectif.
Arrivés au village numéro 5, on a pris le temps de visiter un peu et c’était ma foi magnifique. On s’est enlignés sur le petit sentier tout excités de pouvoir profiter de cette belle aventure. Depuis le temps qu’on entendait parler des sentiers de Cinque Terre!
Assez rapidement, on a rejoint un couple qui avait débuté son calvaire, c'est-à-dire qu’ils avaient débuté l’ascension d’une section du sentier qui devait bien compter 600 marches hyper étroites. Comme on était dans la plus grande forme de nos vies, je l’ai déjà dit, on s’est enlignés comme des champions pour les clancher dans les marches dans le but de 1) être les meilleurs et 2) remettre de la distance entre nous et le couple parce qu’on avait moyennement envie de faire le sentier avec eux. Ce qu’on ne savait pas, c’est qu’après les 600 marches à monter se cachaient une autre section de probablement 783 marches pis après cette section là s’en cachait une autre. Et une autre, et une autre. Bref, l’autre couple étant aussi compétitif que nous, on a joué à se dépasser dans les marches en suant notre vie au gros soleil sale pendant à peu près une heure. Arrivés au plus haut point du sentier, après avoir monté un total de 645 372 marches, on s’est arrêtés quelques minutes pour admirer le paysage qui était à couper le souffle même si du souffle, on n’en avait pu ben ben… On est ensuite repartis pour faire le reste du sentier à la queue leu-leu parce que les sentiers sont assez populaires. En terme d’expérience bucolique, on repassera!
On est arrivés à Vernazza (village numéro 4) en sueur et à boutte de marcher en file indienne la face dans la craque de fesse des autres touristes. En voyant les rues, notre sentiment d’être dans le métro à l’heure de pointe s’est accentué. Y’avait du monde partout! On a réussi à se trouver un petit coin d’ombre où s’asseoir sur une terrasse pour se rafraîchir et reprendre notre souffle. Encore étourdis d’avoir croisé dans le sentier autant de visiteur qu’à la mosquée bleue* on a décrété qu’on ne marcherait PAS du village 4 au village 3! Comme l'exercice physique n'était plus à l'agenda, on a commandé une bière…
On a ensuite sauté dans le train pour se rendre au village 3: Corniglia. De la gare, pour te rendre au village, tu dois monter une grosse, GROSSE côte bien à pic et sans aucune ombre comme on les aime! Et, Ô joie, comme tu arrives en train ben, tu as la chance de la monter avec probablement 400 personnes toute plus bruyantes les unes que les autres. Mais qui dit côte à monter dit vue panoramique. Et la seule façon d’y avoir accès était de s’asseoir à la terrasse panoramique, ce que l’on a fait. On a donc commandé une bière qu’on a bu bien tranquillement jusqu’à ce qu’une poignée d’irréductibles madames françaises viennent perturber notre quiétude et jacassant des plus grandes inepties du monde. On était au bord de les pitcher en bas de la terrasse panoramique quand elles ont finalement reçu leur crostinis (commandés non sans peine dans un anglais plus qu’approximatif). Elles se sont donc tues le temps de manger et on a pu profiter avec beaucoup d’agrément de la douce musique que faisait leurs petites bouches en mâchant le pain croquant. De toute ma vie, je n’ai jamais été autant reconnaissance envers un morceaux de pain sec…
Une fois notre bière bue, on a réalisé que notre objectif venait encore d’évoluer naturellement et que notre nouvel objectif était de prendre une bière à chaque village! C’est donc bien motivés qu’on a pris la direction de la gare et comble de plaisir, on a trouvé un mini bus qui nous a évité de devoir redescendre la grosse côte à pied.
On a sauté dans le train direction village numéro 2 : Manarola. Faisait chaud, c’était bondé de monde PARTOUT. On devait se déplacer dans les rues à la queue-leu-leu et on ne trouvait aucune place pour s’asseoir et boire une bière. À boutte de toute, on a rapidement abdiqué. Notre nouvel objectif : crisser notre camp au village 1 au plus sacrant! De retour à la gare, on nous a appris que le train était en retard de 10 minutes. En temps italien, ça veut dire 30 minutes minimum et il était déjà rendu 16h30. Trente minutes à attendre debout au gros soleil. Le cœur n’y était plus. Notre 1er objectif de marcher entre chaque village était un échec, notre 2e objectif de marcher du village 5 à 3 était également un échec. On avait même échoué notre 3e objectif de prendre une bière dans chaque village. On voulait juste rentrer… Mais comme le train n’arrivait pas, on a continué à cogiter et on a fini par conclure que même si notre 3e objectif n’allait pas être atteint, on pouvait tenter de s’en rapprocher le plus possible. C’est pourquoi on a décidé de ne pas s’en aller directement à la maison et d’arrêter au village numéro 1 avec un seul but : prendre une bière à la première terrasse qu’on verrait et rentrer ensuite!
C’est donc à boutte, collante et brulée par le soleil que je suis arrivée au village numéro 1 : Riomagiorre avec une seule appréhension : que le village soit loin de la gare. Mais non. Le village était collé sur la gare, ce qui était un gros plus. On s’est assis à la première terrasse venue où, évidemment, la serveuse ne nous voyait pas puisqu’on était assis directement devant elle… À boutte de lui faire signe et d’attendre après elle, on a fini par se lever et commander au bar…
Avant de quitter, je suis allée à la salle de bain. Arrivée dehors, j’vois-tu-pas mon chum qui me fait des grands signes et qui me rushe pour me faire entrer dans un autobus sous prétexte qu’on allait monter au village en bus au lieu de marcher. Je ne comprenais rien et j’essayais de le raisonner en lui disant qu’on était DÉJÀ dans le village. Mais mon chum n’écoutait plus et continuait à me pousser pour que je monte dans l’autobus qui était sur le point de partir. C’est comme ça qu’on s’est embarqués dans l’autobus le plus bondé et le plus chaud au monde! Au bout de quelques minutes, mon chum a repris ses esprits et a bien réalisé qu’on était sortis du village et qu’on roulait vers une destination inconnue. Comme on était au milieu de nulle part, ça ne servait plus à rien de demander au chauffeur de nous laisser sortir. C’est donc bien agrippés aux barres du plafond (parce qu’on était évidemment debout) qu’on a eu droit à une belle balade pleine de montées, de descentes et de virages. Moi qui voulait juste rentrer depuis déjà plusieurs heures, j’étais en beau joualvert. À force de virailler et d’essayer de rester debout, j’avais l'épaule à moitié arrachée et avec la chaleur, le mal de cœur m’avait pogné. Je me suis dit que si j’avais à vomir, j’allais scrupuleusement viser mon chum puisqu'il était responsable de nous avoir embarqué dans cette belle aventure. Malheureusement, j’ai pas vomi… Au bout d’une heure, l’autobus a terminé son circuit et on est revenus au village mais pas mal plus loin de la gare. On a donc dû marcher (encore!) pour se rendre à la gare et le train était (encore!) en retard. On a fini par retourner à notre appartement complètement à boutte de toute!
Avec le recul, je dois avouer que les villages de Cinque Terre sont réellement magnifiques et je suis drôlement heureuse et reconnaissante de la chance que j’ai d’y être allée. Ceci dit, c’est réellement bondé de monde et ça enlève de la féérie à la visite. Est ce que j'y retournerais? Non... Mais, ça demeure un incontournable. En fait, je réalise que dans nos voyages, on a toujours une journée comme ça. Une journée où la fatigue accumulée et certaines petites déceptions font que tu viens à boutte et que sur le coup, tu profites moins de ce que tu vis. Mais avec le recul, t'es toujours capable d'apprécier!
*Voir Dress code à la mosquée bleue
