Les voyages qu'ossa donne?

Je suis porteuse d'une mutation génétique se traduisant par une condition bénigne mais à ne pas négliger: la jveuxvoirailleurssijysuis. Cette mutation relativement commune est à l'origine d'une condition chronique se traduisant chez tous les sujets affectés par un seul symptôme: une difficulté à fonctionner lorsqu'ils n'ont pas de projets de voyage. Avec le traitement approprié (se traduisant la plupart du temps par l'achat d'un billet d'avion) les symptômes rentrent dans l'ordre rapidement. Le pronostic est toutefois sombre car les chances de rechutes sont de près 100%.

Cette mutation ne doit pas dater d'hier et je présume même que les grands explorateurs en souffraient déjà. Je sais... On nous apprend à l'école que la plupart ont été contraints de partir en expédition pour trouver de nouvelles ressources ou de nouvelles routes commerciales. C'est peut-être vrai... Mais moi, j'pense que ça devait vraiment faire le bonheur des Marco Polo ou des Vasco de Gama de ce monde.

Mais bon, si les grands voyages d'explorations avaient tous la même base à l'époque - trouver de nouvelles ressources - quels sont nos motifs à nous, personnages contemporains pour voyager? C'est vrai: fini les voyages pour trouver des ressources ou de nouvelles routes commerciales. Manque de sel? Vas en chercher au dépanneur du coin. Besoin d'électro? C'est Corbeil qu'il te faut! TOUT est maintenant super accessible. Tellement, que de nos jours, tu peux rester assis confortablement chez vous et acheter un cercueil en ligne chez Costco... Pour les intéressés, cliquez ici.

Quand même ironique de penser que de nos jours, beaucoup de gens se privent de voyager car la majorité de leurs revenus sont consacrés à consommer un paquet d'affaires dont ils n'ont pas besoin. Des objets qui iront tôt ou tard s'empiler quelque part dans une dompe ou encore mieux: dans l'océan! Objets desquels ne découleront la plupart du temps aucune émotion et très peu de souvenirs. Merci Société de consommation! Avoir vécu à notre époque, Marco et Vasco se retourneraient dans leur tombe achetée chez Costco!

Pourquoi voyager alors? Peut-être pour échapper à cette machine qui nous dicte de consommer, consommer sans cesse. Ou peut-être simplement pour trouver le bonheur non pas dans le fond d'une boite de céréales Kellog's mais dans le fond d'un désert autour d'un feu avec des amis Bédouins.

Voyager, c'est pas seulement un déplacement géographique pour voir des paysages et vivre de nouvelles expériences, c'est aussi une quête à la découverte des autres. On voyage pour réaliser que les différences auxquelles on est confrontés ne sont non pas épeurantes mais enrichissantes, pour réaliser qu'on a pas mal plus en commun avec les gens que l'on découvre que seulement deux bras et deux jambes. On voyage pour prendre conscience que notre petit univers, aussi précieux soit-il, est bien insignifiant comparativement à tout ce que la planète et ses habitants ont à offrir. On voyage et on prend conscience que les valeurs humaines, peu importe où on atterri sont similaires aux nôtres: la famille, les amis, l'humour, le désir de s'accomplir.

Mais voyager, ça se passe aussi à l'intérieur de nous. On voyage pour apprendre à se connaître, à se faire confiance et à s'apprécier. On voyage pour prendre du recul face à nos vies et pour mieux apprécier ce qu'on a laissé derrière. On voyage pour réaliser ce qui compte vraiment pour nous et pour mettre en perspective ce qui est accessoire. On voyage pour élargir notre zone de confort parce qu'une zone de confort, c'est comme un muscle: ça s'atrophie si on ne la travaille pas. Au fil du temps, ça perd son élasticité, ça rapetisse de plus en plus jusqu'à nous étouffer.

Finalement, on voyage pour réaliser que chez soi, ça peut être partout. Quand on est bien avec soi-même et qu'on se sent aimés, le lieu géographique de l'endroit que l'on qualifie de chez-soi devient secondaire.

Si j'ai un seul conseil à donner dans la vie ce serait de voir les dépenses en fraction de billets d'avion. C'est un bon conseil parce que l'achat d'un billet d'avion, c'est bien le seul achat qui nous garanti qu'on finira plus riches en bout de ligne (et ça fait pratiquer les fractions!). 100$ pour un souper au resto = 1/4 de billet d'avion pour les Antilles! 1500$ pour le nouveau téléviseur incurvé 53 pouces = un billet d'avion pour l'Asie avec du lousse dans l'budget pour un paquet de bières froides!! Penser comme ça, ça devient plus facile de réaliser que oui, on a les moyens de voyager...

Je termine sur une citationqui résume en quatre lignes ce que c'est que de voyager:

Travel isn’t always pretty. It isn’t always comforting. Sometimes it hurts. It even breaks your heart. But that’s ok. The journey changes you. It should change you. It leaves mark on your memory, on your consciousness, on your heart and on your body. Take something with you. Hopefully, you will leave something good behind... - Anthony Bourdain